MM N 3359

MM N 3359. Brouillon de lettre à Axel Romdahl, Göteborgs Konstmuseum. Non daté. Traduction pour l’exposition « Edvard Munch, l’œil moderne » au Centre Pompidou à Paris

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Cher Axel Romdahl


Merci pour la lettre ! J’étais heureux
d’avoir de tes nouvelles –

Oui il est possible qu’un jour
au cours de l’hiver je prenne
la direction de Gøteborg – Mes difficultés
tu les connais :
mon «embarras» en ce qui concerne la vie mondaine

Je ne suis malheureusement pas capable d’autre chose
que de rester assis au fond d’un café
avec un ami – cela ne s’est pas amélioré
avec le temps – Oui, «l’enfant malade»
C’est au fond assez curieux – Je suis
tout à fait contre ce qu’on appelle
une fabrique de tableaux – faire des répliques
pour la vente – Mais je dis,  il ne faut
jurer de  «rien» – et j’ai plus souvent [copié]*


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mes tableaux – Mais il y a toujours
une évolution et jamais la même –
Je construis un tableau à partir d’un autre.
Comme avec L’enfant malade qui est
dans notre galerie sur lequel j’ai travaillé
une année – Combien de fois
ne l’ai-je pas repeint
et gratté –

Je me suis finalement arrêté quand il n’était
simplement plus possible d’y travailler –

Je n’étais pas arrivé à rendre ce que
je voulais – Mais j’en avais sauvé l’âme !

Longtemps le tableau est resté plus puissant
et plus éclatant de couleur –

C’est pourquoi j’ai pu continuer
à peindre cette image – mais alors
sur différentes toiles –

Ah oui le prix ! – On a vu
des prix surprenants pour les tableaux
ces dernières années – 15 000 couronnes c’est beaucoup
mais je crois que si l’on ne vend pas


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les prix se maintiendront

Moi-même je n’ai eu que 2000 couronnes
en tout pour les 3 tableaux dans
notre galerie, celle de Thiels et la votre –

Si je veux en posséder un
je peux toujours le peindre – C’est après d’innombrables
essais de persuasion et presque des menaces
que j’ai fini par accepter
de le vendre à la galerie de Dresde
pour la somme proposée de 25.000 couronnes –
C’était évidemment énorme – Je suis allé 2 fois
à Dresde pour persuader le directeur de ne pas acheter

Maintenant j’ai entendu dire que le tableau
est mis à la cave –

J’ai peint encore un tableau
Mais que celui-ci ait été vendu –

J’avais juré de ne pas
m’en séparer –

Maintenant je me suis laissé persuader de
l’envoyer à l’exposition de Carnegie
J’ai reçu une lettre du directeur


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qui exprime avec emphase
son enthousiasme et celui des autres pour le tableau –
et j’ai presque l’impression que
je peux m’attendre à une proposition d’achat – et alors
probablement de la galerie Carnegie –

Enfin que dire – Il est
tout à fait désagréable de refuser –

Tous ces tableaux sont différents –
Certains me reprochent d’en
avoir peint des quantités – Mais je dis :
quand je suis tellement habité par cette image –
et – n’est-ce pas aussi valable que
de peindre des centaines de pommes ou de violons
sur une table –

Par ailleurs – est-ce vrai
qu’un peintre en réalité ne peint
qu’un seul tableau ? Qu’est-ce qui fait que
ce tableau ait du succès partout
que ce soit une toile ou une estampe ?


* Le verbe manque ici. Le mot entre [] est proposé par la traductrice